Les animaux ont besoin d’affection. Ce récit de mon expérience récente en témoigne :
Un cochonglier (hybride entre sanglier et cochon) âgé de 10 ans, vit prostré dans un enclos de la ferme touristique de l’Oustalet, dans l’Aude.
L’animal est nourri de granulés et de maïs, a de l’eau à disposition et possède un abri en bois.
Les gens le voient et passent, assez déçus par son inertie et son indifférence. Ce que l’humain ignore, c’est que le comportement de la bête est le reflet de sa propre attitude vis-à-vis d’elle.
Un jour, j’ai l’inspiration de m’adresser à Fifi comme à un animal familier. Au début, le croyant être une femelle je l’appelle FIFILLE. Puis je remarque qu’il fait pipi « devant » et qu’il a des défenses propres aux mâles. Les défenses des sangliers (dents proéminentes du bas) s’aiguisent constamment au contact des grès (celles du haut). Fifille est donc un mâle castré et du coup devient FIFI.
Tous les jours, matin et soir, je lui apporte des friandises végétales (pommes, salades, carottes, melon etc…) afin de gagner son amitié et sa confiance.
Au début, Fifi est apathique, sans réaction et comme épuisé. Son grand poids justifie son immobilité. Je parviens à le faire se lever en lui lançant une pomme. Puis je l’appelle pour lui en offrir une autre. J’ai prononcé son nom avec beaucoup de douceur dans la voix et mes bonnes intentions à son égard ne lui échappent pas.
Le lendemain déjà, il reconnait son nom et se met debout avec difficulté.
Son regard est éteint, autant dire que ses orbites semblent vides.
Progressivement, Fifi devient plus agile. Les prunelles de ses yeux couleur noisette commencent à poindre. Chaque jour il espère entendre ma voix prononcer son nom. Alors il se lève aussitôt. Parfois il m’attend, assis sur son arrière train comme un chien.
Au bout d’un certain temps son regard apparait enfin, tel un lever de soleil. Les photos en témoignent.
Lorsque j’arrive devant l’enclos, je ne parle pas tout de suite, par jeu, attendant qu’il me reconnaisse à l’odorat puisque les sangliers ont une très mauvaise vue.
Interrogation grognée de sa part :
- C’est bien toi ? Je réponds :
- Oui c’est moi Fifi, viens, lève-toi !
Fifi avance vers moi avec facilité à présent. Je suis devenue son amie, une lumière dans sa nuit d’isolement, quelqu’un pour qui compter. Et de fait, Fifi a commencé à faire partie de mes préoccupations permanentes.
En accord avec Ali, le légumier du marché, je lui apporte des carottes, tomates, salades et autres légumes… Ali me réserve ses invendus que je récupère au moment du remballage de son stand. C’est un homme gentil et généreux. Je le remercie beaucoup.
Fifi adore les vers de terre. Je les achète à Décathlon, au rayon pêche.
- C’est pour pêcher quoi ? demande l’employé.
- Le sanglier, dis-je !
Fifi aime aussi l’Herbe à Robert, cette petite plante fleurie qui pousse à l’ombre et que l’on trouve derrière son enclos. Les trèfles aussi… et le persil ! Sa gourmandise favorite après les vers reste le melon.
Il ne faut pas lui donner du pain, mais des végétaux frais qui lui apportent les vitamines et les fibres dont il a besoin.
Et surtout il est important de lui parler, lui dire des mots gentils, prononcer son nom puisqu’il a une identité à présent.
Fifi me connaît bien. Je peux le caresser. Sur les oreilles, le front, le nez, là où les barreaux de son enclos le permettent. Cet animal est touchant. Il m’explique qu’il veut des fleurs en se postant à l’endroit où je les lui lance d’habitude. Il trottine de joie, autant que faire se peut sur ce terrain limité et accidenté. Il se tient debout, creuse la terre avec son boutoir (groin) fait son lit avec minutie retirant les petits cailloux avec ses dents, furète dans les recoins de l’enclos.
Si je l’arrose un peu avec le tuyau, son euphorie est communicative. Il se sent exister et bouge ses écoutes (oreilles) lorsque je lui parle.
Rappelée par mes obligations professionnelles et ne voulant pas que Fifi retombe dans la léthargie, j’ai fait appel à Ben, un gentil jeune homme qui s’occupe des chats en détresse.
Ben a pris ma suite auprès de Fifi. Il converse avec les chèvres et les poules de la ferme qui ont un grand besoin d’affection aussi. Ali continue à fournir les végétaux et Ben achète des gourmandises supplémentaires pour ses nouveaux amis. Merci aussi à lui !
Le poids de Fifi approche les 200 kilogrammes. Sur Wikipédia il est dit qu’un sanglier peut peser jusqu’à 165 kgs et vivre durant 25 ans.
Dans quelques semaines je retournerai auprès de mon ami en espérant qu’il ne m’ait pas oubliée. Une poignée de lombrics dodus me rappelleront à son bon souvenir.